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2015-01-02T09:05:35+01:00

Macbeth au Théâtre du Soleil

Publié par Wondermaman

Dimanche dernier, j'allais suffisamment bien pour aller voir le Macbeth d'Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil.

J'ai beaucoup aimé.

J'avais lu et écouté les critiques et je pense que le spectacle a beaucoup évolué au fil des représentations. Ariane a resserré, trouvé un rythme, l'acteur qui joue Macbeth a pris de l'ampleur, surtout dans le jeu de la folie. Reste Lady Macbeth ... assez masculine, un peu "madame tout le monde", mais il s'agit visiblement d'un choix assumé et en effet, n'importe quelle femme "banale" peut devenir une Lady Macbeth. C'est cependant ma seule réserve sur ce travail : je n'aurais pas fait ce choix.

Dès l'arrivée, on entre dans l'univers merveilleux de La Cartoucherie : les gros bidons dans lesquels brûlent des feux pour réchauffer les spectateurs glacés (il faisait très froid), les roulottes, l'accueil d'Ariane à l'entrée - un mot gentil pour chacun, courant partout, partout présente, son sourire, son charisme ... J'étais fascinée, bien sûr, bien que je l'eusse déjà vue. mais il est quasiment impossible de la prendre en photo tellement elle s'agite, ou disparaît, encerclée par des spectateurs aimantés.

Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil

On entre dans la grande salle. Bonne odeur de soupe chaude et de petits pâtés au fromage, grandes tables conviviales, bancs, fauteuils, bouquets de fleurs, bougies flottantes, immense portrait du grand Will qui couvre le mur du fond, affiches de Macbeth - et de quelques autres pièces aussi.

Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil

Mama Fatou, présente depuis 40 ans (m'a-t-elle dit) toujours aussi belle dans son élégant costume de Sénégalaise, vend 2 euros son jus de bissap (hibiscus) chaud ou de gingembre froid, mais impossible de lui arracher sa recette ! (ce n'est pas faute d'avoir essayé ! )

Les comédiens-serveurs-cuisiniers s'activent aux fourneaux, c'est chaleureux et calme, animé et serein. On se sent bien. Ariane est partout.

Comme j'allais jeter un coup d'oeil dans les loges - qui se trouvent sous les gradins et où les acteurs se préparent "à vue", seulement séparés du public voyeur par les rideaux de tulle percés de trous pour que les plus curieux puissent s'immiscer dans leur antre sans le moindre écran - je me suis heurtée à Martial Jacques, qui fut un de mes intervenants à l'option théâtre, et je ne l'ai d'abord pas reconnu, parce qu'il était maquillé et costumé - il joue Donalbain, l'un des fils du roi Duncan. J'ai été toute surprise de voir ce grand bel acteur me prendre par le bras et me dire chaleureusement : "Comment vas-tu ? " avant de s'éloigner rapidement pour rejoindre le plateau.

Macbeth au Théâtre du Soleil

On choisit sa place sur un grand tableau à l'entrée. j'avais choisi côté cour car je sais que Jean-Jacques Lemêtre, le musicien, se place toujours de ce côté. Ce n'était pas Jean-Jacques qui jouait - il avait cependant composé la musique - mais une jeune Eurasienne tout à fait ravissante, qui pourra lui succéder sans démériter. F 6 - j'étais donc très bien placée.

Macbeth au Théâtre du Soleil

Quand nous entrons, un rideau de tulle sépare la salle de la scène - il se lèvera plus tard - mais tandis que les spectateurs s'installent, l'action est déjà commencée sur le plateau, c'est la guerre.

Aucun moyen ultra-moderne, pas de vidéoprojections, pas de projections, pas de bande-son, tout est "artisanal" et concret, réel, les décors changés à vue par les acteurs en mouvements précis et parfaitement chorégraphies. On retrouve le "système Mnouchkine", sa "patte" : les plateaux ronds poussés au ras du sol (comme dans Les Ephémères), les tapis roulés et déroulés, les éléments apportés ou descendus des cintres - du "vrai théâtre" fait uniquement par des hommes en temps réel, avec une grande économie de moyens technologiques : aucune sonorisation des voix, musique et sons en "live", décors "artisanaux" avec réutilisation d'éléments déjà employés dans d'autres spectacles.

Le texte est limpide et magnifique : Ariane l'a retraduit elle-même et la pièce y gagne en clarté. On comprend tout, avec la même volonté de clarté que chez Thomas Joly par exemple.

Les acteurs sont nombreux, une quarantaine, c'est la belle et grande machine du Théâtre du Soleil.

Les bâches agitées forment la mer (comme dans Le dernier Caravansérail) , trois lampadaires et l'illusion d'une grande roue - un modèle réduit pour créer la perspective - en fond signifient Londres. Des tapis déroulés figurent la campagne et les collines sur lesquelles dansent les sorcières vêtues de peaux de bêtes et d'étranges oripeaux. C'est grand et l'illusion fonctionne à plein. Ariane crée un véritable univers avec quelques éléments, mais ce sont les détails qui font qu'on y entre et que ça marche.

Elle a choisi de situer Macbeth dans les années 40 - 50, ça surprend au début, mais c'est juste et ça demeure quand-même intemporel car les messages sur la dictature sont interprétés de façon suffisamment ambiguë pour qu'on pense aux Ceaucescu, à Sadam Hussein, à Bachar el Assad .... et à bien d'autres ...

Le message politique d'Ariane est bien présent, elle défend toujours les valeurs humanistes et républicaines, et même si certains aspects de ces messages peuvent nous paraître un peu désuets, ils n'en ont que plus de charme et suscitent une certaine nostalgie - de l'époque où on y croyait ... Elle, elle y croit toujours, et ça tient à la fois du miracle et de la naïveté.

Naïveté, c'est peut-être le mot le plus juste qui me vient à l'esprit pour qualifier ce spectacle et ses petits défauts - de jeu d'acteurs, et même de partis pris de mise en scène. Mais moi, c'est cette naïveté qui m'a touchée et qui m'a séduite.

Et c'est beau. C'est grand - un peu grandiloquent, un peu trop plein de "valeurs", un peu trop maladroitement pédagogique, mais beau, un peu désuet.

C'est le deuxième mot qui me vient à l'esprit. Un spectacle couleur sépia - comme Les Naufragés du Fol Espoir - visiblement, c'est le fil qu'Ariane tire actuellement : la première moitié du vingtième siècle aux couleurs surannées, celle où "on y croyait" encore, celle où le théâtre ne disposait pas des ordinateurs, une période "immensément naïve", dirait Rimbaud.

Les images qui m'ont marquée :

- incontestablement, la magnifique scène du banquet au cours de laquelle Macbeth voit le fantôme de son ami Banco. Les tables sont disposées tout autour du plateau, sur des plateaux ronds qui tournent lentement, mus par des acteurs-machinistes vêtus de noir, quasi invisibles et pourtant présents comme des fantômes, les tables sont richement mises, les invités vêtus de costumes et robes de soirée, venus joyeusement pour faire la fête - une fête qui va dégénérer par la folie de Macbeth et ses visions.

- la scène au cours de laquelle Lady Macbeth s'arrache les mains et ne cesse de les laver dans un grand chaudron - celui des sorcières - dans lequel elle finira par se plonger tout entière, hantée par le sang versé des innocents.

- les scènes de guerre, bien sûr

- la scène dans les écuries. On se demande si les chevaux sont de vrais chevaux ou des machines ...

J'ai bien d'autres images en tête : le somptueux salut final, Ariane tout en bas, côté cour, la musicienne-bruiteuse qui accompagne le spectacle avec finesse - l'ambiance sonore fonctionne aussi bien que les tableaux visuels.

J'ai aimé le jeu des acteurs, avec leurs maladresses touchantes parfois.

J'ai aimé ce spectacle qui restera pour moi inoubliable - le meilleur Macbeth que j'aie vue jusqu'ici, et pourtant, j'en ai vu un certain nombre , et de très bons !

Macbeth au Théâtre du Soleil
Macbeth au Théâtre du Soleil

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