Nisi Dominus

Samedi soir, Jean-Pierre et moi, nous sommes allés voir Dheepan au cinéma.

Nous avons été tellement retournés que nous sommes rentrés à la maison sans dire un mot, et il nous a bien fallu une demi heure pour retrouver l'usage de la parole.

C'était terrible. Terrible, et magnifiquement filmé et monté ...

Je ne donnerai qu'un exemple : les lumières bleues qui clignotent et signifient d'abord le passage - des dangers des passeurs, rien n'est dit, et tout y est : quelques éclairs bleus dans la nuit noire - puis Paris, et enfin le jouet lumineux sur le front du héros, un de ces jouets pour les enfants que les sans-papiers vendent à la sauvette .

Rien n'est dit, tout y est. Et c'est comme ça tout le film.

Dès le début, j'ai été saisie par la musique : le Nisi Dominus de Vivaldi, si beau, si triste et si noble aussi.

En rentrant, j'ai relu le psaume 127 - ce sont les paroles du NIsi Dominus - (dans la TOB, c'est le 127) - ce passage du "chant des montées" :

Si le Seigneur ne bâtit la maison,

ses bâtisseurs travaillent pour rien.

Si le Seigneur ne garde la ville,

la garde veille pour rien ...

  Je sais que ce psaume est un chant qui appelle à l'humilité - non pas à la paresse ni au fatalisme ! - mais je ne pouvais m'empêcher de me demander pourquoi le Seigneur a à ce point abandonné nos cités ...

La fin du psaume

Cum dederit dilectis suis somnum

Ecce haereditas Domini, filii

Merces, fructus ventris

(Il comble ses bien aimés dans leur sommeil

Voici le don du Seigneur, des fils

Sa récompense, le fruit des entrailles)

évoque le bonheur d'avoir des enfants qui seront tels "des flèches aux mains d'un guerrier" - c'est à dire, capables de voler sans assistance, haut, droit , fier et juste - et je m'interrogeais sur la fin du film.

Jean-Pierre y a vu une happy end - Dheepan bâtira sa maison-cottage en Angleterre et aura des enfants, moi, j'y ai vu le rêve de Dheepan - celui de bâtir une famille ancrée dans une jolie maison calme - mais qui ne se réalisera jamais concrètement . Pour moi, la fin est totalement désespérée.

Lequel de nous deux a raison ?