Comme tout le monde, j'ai été touchée par les larmes de Ségolène Royal au soir du premier tour des "primaires" socialistes.
Je ne pleure jamais en public - sauf exception très exceptionnelle .
Même aux enterrements, je pleure rarement.
Pour que je fonde en larmes en public, il me faut vraiment un grand choc - et encore : sous le choc, je ne pleure pas, j' encaisse , c'est plutôt dans les minutes ou l'heure qui suit que ça "me tombe dessus" le chagrin larmoyant. Et la plupart du temps, je ne vois pas venir cet instant de "craquement" et la vague me submerge d'un coup, débordant sans prévenir parce que trop inconsciemment contenue.
La dernière fois, c'était après avoir reçu les confidences d'une élève.
J'avais bien encaissé. Je suis sortie de la salle de classe. J'ai descendu l'escalier et plouf ...pas le temps d'atteindre la dernière marche : je me suis retrouvée assise à sangloter sur les marches.
Lors d'un choc, après la stupeur, le sentiment de ne plus exister, voire le dédoublement de personnalité où je me vois "d'en haut", où je vois toute la scène comme d'un nuage, le plus souvent, je file aux toilettes et je vomis, je rends mes tripes en soubresauts d'agonie.
Mais je ne pleure pas.
Quand j'étais petite, on me disait :
- Arrête de chougner.
- C'est bientôt fini ce cirque ?
- Arrête ton cinéma.
- On n'est pas à la Comédie Française.
- Tu n'es pas jolie quand tu pleures.
Pas jolie quand je pleure ? ça, c'était le pire. Parce que j'avais l'obligation d'être "jolie" , je faisais tout ce que je pouvais pour être moins laide.
Encore maintenant, j'ai souci de présenter toujours aux autres une apparence soignée - même sur un lit d'hôpital, même dans une salle d'accouchement, même aux enterrements.Pour les autres, pour l'image, pour l'apparence.
Orgueil ?
Je ne pleure pas en public.
Et puis, les larmes de Ségolène Royal - et tout le monde s'attendrit.
Les larmes de Christine Boutin, il y a quelques années, et on lui envoie des fleurs pour se faire pardonner.
Dans la salle des profs, j'ai des collègues qui pleurent tout le temps. Elles ont de la chance ! Aussitôt, tout le monde accourt, on console ... et on leur cède .
On ne dira jamais assez le pouvoir des larmes dans le bureau d'un chef d'établissement ou d'un supérieur hierarchique : ça marche ! L'emploi du temps s'en trouve aussitôt nettement amélioré, ce qui était impossible devient soudain possible, les salles occupées se libèrent comme par magie !
J'observe et je me dis que je devrais pleurer .
La prochaine fois qu'on me refuse une salle, qu'on ne me donne pas les moyens de travailler, qu'on me demande des choses impossibles, au prochain choc, la prochaine fois qu'on me fait de la peine, promis, j'essaie, je pleure !
Je voudrais bien qu'on m'envoie des fleurs ou qu'on me prenne par l'épaule pour me consoler, moi aussi !
Mais non :
"Tu n'es pas jolie quand tu pleures. "
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