Perte de confiance

Je crois vous l' avoir déjà dit : on danse comme on est.
Je danse ce que je suis.
Et bien, vendredi soir, ce que j' étais, ce n' était pas glorieux ! Au point qu' un de mes partenaires, en me reconduisant gentiment au suivant, lui dit : "Ce soir, elle fait n' importe quoi."

Ce que j' étais vendredi soir ?
Pas grand-chose.
En sacrée perte de confiance.
Wondermaman en terrifiante remise en question d'elle même depuis une petite semaine, ça donne , le vendredi soir, un "qui suis-je ?" zombie inexistante incapable de comprendre ce qu' on lui demande et encore moins de le faire !

Le tango, c'est tout l' art de mon rapport avec l' autre, comment existe-t-il ? comment est-ce que je perçois son existence ? comment est-ce que j' existe par rapport à lui ? et comment est-ce ce que j' existe, moi, dans tout ça ? un ajustement délicat.
Ajoutez que le but est de réussir, si possible, à créer quelque chose de "joli" où chacun trouvera sa place et son épanouissement.

Au tango comme dans la vie, je ne veux pas exercer mon pouvoir sur l' autre, ça, j' en suis certaine, je tiens à la liberté de l' autre plus qu' à tout, y compris sa liberté de ne pas danser avec moi .
Au tango comme dans la vie, parce que j' existe, quand-même, je tente d' exercer mon "pouvoir de séduction" sur l' autre, parce que j' ai envie de danser - sinon, je prends ma broderie et je fais tapisserie . J' ai envie d' être en relation avec autrui, et parfois plus avec cet autrui-ci qu' avec cet autrui-là parce que celui-ci me plaît, m' attire, ou m' amuse  davantage, ou parce que je me sens mieux avec lui, ou parce que je sens qu' avec celui-ci, on va pouvoir faire quelque chose de bien, ou progresser ensemble, ou qu' il peut m' aider, ou que je peux lui apporter quelque chose , parce que je suis bien quand je suis avec lui , parce qu' on s' entend bien, parce que je l' aime bien ...
Au tango comme dans la vie, je ne peux pas obliger l' autre à faire ce qu' il ne veut pas faire - et il ne peut pas me forcer non plus - et je n' ai, de plus, pas envie de le forcer - ni d' être forcée.
Au tango comme dans la vie, je respecte la liberté de l' autre, mais je tiens à ce qu' il respecte la mienne.
Je ne veux pas lui faire de mal, mais je n' accepterai pas qu' il m' en fasse non plus.

Bien sûr, parfois, il arrive que mon partenaire me marche sur les pieds ou que je lui balance un grand coup de mon talon aiguille dans le mollet et ça fait mal. Il est désolé, je suis désolée, on s' arrête, on vérifie les dégats, on s' excuse, éventuellement on en rit, on essaie de comprendre ce qui s'est passé et on s'arrange pour ne pas recommencer.
Le plus souvent, c'est celui qui est blessé qui console l' autre, navré.

Je n'ai pas envie d' exercer mon pouvoir, et encore moins de façon "tyranique" et accepter les décisions de l' autre n' est pas toujours facile, surtout quand on aurait bien envie de danser avec lui et que lui n' en a pas envie, ou qu' il n' a pas envie de faire ce que moi, j'aurais envie de faire.
Accepter sa liberté et ses choix, surtout quand on pense qu' il va se planter grave, et qu' on le voit foncer dans le mur parce qu' il a mal négocié son virage ou qu' il tourne trop vite , c'est difficile. On crie pour le prévenir : "Fais gaffe ! tu vas tomber ! " mais s'il n' en tient pas compte ou que c'est trop tard, on le regarde tomber, consterné.
 Les autres danseurs disent alors : "Il manquait d'appui sur sa jambe gauche " ou " Son partenaire l' a mal dirigée" ... On en tire les conséquences pour nous .

Et le bal reprend .

Personnellement, j' aime bien le tango parce que je n'aime pas diriger et qu' au tango argentin, ce sont les hommes qui dirigent.
Mais j' ai besoin d' exister quand-même.
Et c'est vrai que je n'accepte pas facilement les échecs, ni les miens, ni ceux des autres.

Dur dur de se résigner !